Un tiers des actifs en emploi en 2005 devrait définitivement quitter le marché du travail d’ici 2020. Avec ce renouvellement massif des effectifs, les recruteurs doivent plus que jamais s’intéresser aux nouvelles générations. Ont-elles des attentes spécifiques ?

Une exigence plus marquée d’autonomie et de sens

On parle beaucoup de la génération Y (né-e-s environ dans les années 1980-1995) et Z (environ 1995-2012, incluant les Millenials nés après 2000) dont les attentes d’autonomie, en particulier, viendraient « disrupter » l’organisation pyramidale de l’entreprise et le conformisme de leurs aînés (notamment la génération X née entre 1966 et 1976).

On prête à la génération Y un opportunisme exacerbé vis à vis du marché du travail : recherche de gains rapides, forte versatilité dans son engagement avec un employeur contribuant à une forme d’instabilité dans l’emploi. Un chiffre pourrait conforter ce point de  vue : si 36.1 % des CDI sont rompus avant le premier anniversaire, ce taux s’élève à 45.6 % pour les salariés de moins de 24 ans (données 2011).
Dans le même temps, leur représentation d’une entreprise performante sur le long terme repose principalement sur des valeurs de satisfaction, de fidélisation et de traitement équitable des employés.
La génération Z (les fameux digital natives) serait également en recherche de travail bien rémunéré mais qui fasse sens, qui réponde à une forme d’engagement social.

Les nouvelles générations semblent plus exigeantes en termes de qualité de vie et de conditions de travail, considéré non pas comme une fin mais comme un moyen de s’accomplir au sein d’une communauté. Plus qu’une carrière, c’est une aventure qu’il conviendrait de leur proposer, en décernant des récompenses plutôt que des promesses.

Les nouvelles générations semblent également plus conscientes que leurs aînés de la nécessaire évolution des pratiques managériales, au service d’un leadership permettant de créer les conditions de l’engagement des collaborateurs dans un environnement mouvant et digitalisé.

Un rapport singulier à la technologie

Si la recherche d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle reste au coeur de leurs préoccupations, la fragmentation de la journée entre temps de travail et de loisirs – caractéristique du phénomène de « blurring », dans lequel la vie professionnelle et personnelle s’entremêlent – constituerait la première caractéristique visible des générations Y et Z au travail.

Ce rapport singulier à la technologie des Millenials impacte également les conditions de travail d’une autre manière. Les digital natives ont besoin d’une organisation du travail qui laisse toute sa place aux pratiques d’échange social et de collaborations digitalisées. En ce sens, les start-up du secteur IT séduisent une partie de ces nouvelles générations, par les valeurs d’indépendance, d’autonomie et d’entrepreneuriat qu’elles véhiculent.
Du point de vue du recrutement de la génération Z, ce rapport à la technologie implique nécessairement un recrutement « agile, mobile et digital », selon le chercheur François Geuze.

Une attractivité naturelle des grands groupes remise en cause

Dans ce contexte, l’attractivité naturelle des grands groupes est remise en cause pour une partie des jeunes diplômés, qui vont privilégier les valeurs de liberté, de challenge et d’aventure renvoyées par les start-up ou se lancer dans l’entrepreneuriat. Ainsi, seuls 35 % des étudiants se projetteraient dans une grande entreprise à 5 ans en 2016, contre 50 % en 2014, à part égale avec une petite entreprise ou une start-up et une entreprise de taille moyenne.

Un autre chiffre est intéressant sur ce point : la part des diplômés d’HEC se lançant dans la création d’entreprise est en constante progression, avec 25 % des diplômés concernés en 2015, contre 2 % en 2004.

La sécurité de l’emploi reste un moteur d’attractivité

Les attentes des générations Y et Z sont-elles vraiment différentes ? « Stop au bullshit générationnel » écrit Bertrand Duperrin qui constate que les attentes des nouvelles générations ne sont pas différentes de celles de leurs aînés à leur âge, comme cela a toujours été le cas de génération en génération.

Ainsi, à l’encontre des idées reçues, la sécurité de l’emploi ferait partie, après le salaire, du second critère recherché par les Millenials, à 87 % selon une étude de ManpowerGroup réalisée en 2016. Le contrat de travail traditionnel resterait finalement l’alpha et l’oméga et c’est ce désir de sécurité qui pourrait expliquer la plus forte mobilité des jeunes sur le marché du travail.

 

Génération Y et Génération Z, nouveau paradigme ?
Génération Y et Génération Z, nouveau paradigme ? – © Stéphane Rodriguez

 

Sources :
> Insee, Départs du marché du travail dans les régions à l’horizon 2020, le papyboom n’explique pas tout, Septembre 2009
> Dares analyses, Plus d’un tiers des CDI sont rompus avant un an, Janvier 2015
> Deloitte, The Deloitte Millennial Survey, 2016 (pdf)
> Think Tank #culture_numerique, Dirigeants versus Millennials, Cinq recommandations pour surmonter le choc numérique, 2016 (pdf)
> Baromètre 2016 EdenredIpsos, Résultats France, La génération Millennials et le monde du travail
> http://resources.groupeRandstad.fr/generationytousautravail/
> Universum, France’s Most Attractive Employers Engineering student 2016
> EDHEC NewGen Talent Centre, A quoi rêvent les prépas aux grandes écoles de management ? Octobre 2016
> HEC Paris, Premier baromètre de l’entrepreneuriat HEC, Mars 2015
> ManpowerGroup, Millennial Careers: 2020 Vision Facts, Figures and Practical Advice from Workforce Experts, 2016 (pdf)