Le recrutement s’opère dans un monde du travail en transition, marqué à la fois par des incertitudes quant aux compétences et aux profils nécessaires à même d’accompagner les entreprises à l’ère numérique et par un niveau d’exigence accru des candidats vis à vis des conditions de travail et d’engagement au quotidien qui leur sont proposées.

Pour l’entreprise, la transparence dans l’offre proposée à ses futurs collaborateurs est de rigueur pour pouvoir attirer et recruter des collaborateurs performants. Loin de se résumer à une offre d’emploi, cette offre employeur doit se traduire par une stratégie de recrutement dans laquelle attraction, sélection et fidélisation sont indissociables. Comment en effet être attractif auprès de candidats si l’environnement de travail décrit par les témoignages des collaborateurs en poste ne permet pas de s’investir dans une relation potentiellement durable ?

Le digital constitue une réponse pour favoriser les conditions d’attraction et répondre à l’objectif de recherche d’efficacité dans l’acquisition de nouveaux collaborateurs. Mais seule une stratégie employeur globale va permettre au recruteur de faire correspondre la recherche et la sélection de nouveaux collaborateurs avec l’objectif de rétention. Le concept de marque employeur traduit l’ensemble de ces enjeux de communication, de sélection et de fidélisation.

Qu’est-ce que la marque employeur ?

Le concept d’employer branding est apparu en 1990. Sa première définition a été donnée en 1996 par Simon Barrow et Tim Ambler dans le Journal of Brand Management : « the package of functional, economic and psychological benefits provided by employment, and identified with the employing company ».

Le concept est transposé en France en 1998 par Didier Pitelet qui le définit de la façon suivante : « la mise en cohérence de toutes les expressions employeur d’une entreprise, tant internes qu’externes au nom de sa performance économique ».

La marque employeur recouvre trois volets, tels que synthétisés par Agnès Duroni :

  • Identité de l’entreprise (tous les éléments constitutifs de l’entreprise : son activité, ses valeurs, sa culture, ses métiers, sa politique RH et sociale) ;
  • Image interne (image que les employés actuels et anciens ont de l’entreprise) ;
  • Réputation externe (représentation que se font le grand public, les consommateurs et les partenaires de l’entreprise).

Le concept de réputation employeur correspond à ce volet de réputation externe.

La marque employeur recouvre 3 volets
La marque employeur recouvre 3 volets – © Stéphane Rodriguez

Franck La Pinta, auteur du blog www.francklapinta.com et spécialiste du marketing RH, identifie dans un ouvrage de référence 7 attributs de la marque employeur :

  • Différenciante, dans une logique d’attribution facile et rapide ;
  • Adaptable, dans la prise en compte de ses différents bassins d’emploi ;
  • Attractive, pour rencontrer les attentes de ses cibles ;
  • Crédible, sans survendre la promesse ;
  • Pérenne, en ce qu’elle nécessite une accumulation de preuves sur la durée ;
  • Réelle, en rendant compte de la réalité de l’entreprise ;
  • Partagée, en faisant participer les collaborateurs à sa construction et à son animation.

Pourquoi travailler sa marque employeur ?

Le travail sur la marque employeur est une réponse aux problématiques de turnover, de compétences pénuriques et de « guerre des talents » sur les métiers en tension. Il s’inscrit dans un contexte d’accès généralisé aux comparaisons salariales, aux éléments de la culture de l’entreprise, aux parcours des salariés et aux témoignages des candidats, qui renforce pour l’entreprise la nécessité de développer une gestion des ressources humaines « concurrentielle ».

Les objectifs de la marque employeur

Le travail sur la marque employeur vise en théorie deux objectifs :

  • Augmenter la qualité et la quantité de candidatures sur la dimension recrutement ;
  • Accroître le bien-être de ses salariés pour les fidéliser et favoriser leur engagement.

Il doit permettre de communiquer une image attractive de l’employeur afin d’attirer des candidats, recruter les meilleurs collaborateurs, les fidéliser et favoriser leur engagement au quotidien. C’est donc à la fois le levier d’une stratégie de communication employeur et RH mais aussi un outil de gouvernance globale des RH, éminemment stratégique donc.

La marque employeur : une double composante stratégique
La marque employeur : une double composante stratégique – © Stéphane Rodriguez

Les PME sont-elles concernées ?

Si les grands groupes ont investi massivement dans leur marque employeur, les PME n’ont pas forcément adopté cette démarche. Or, les PME disposent d’avantages concurrentiels certains qu’elles doivent valoriser, en mobilisant des techniques de marketing RH comme nous l’explique Franck La Pinta.

Le biais des études d’attractivité est de valoriser les grandes entreprises en tant que marque et pas en tant qu’employeur. Les PME ont des atouts correspondant à ce que les candidats recherchent en termes d’aspirations professionnelles (souple, à taille humaine, transparente, permettant une participation plus directe au développement, offrant un partage de bénéfices peut-être plus équitable, permettant de travailler en province plutôt qu’à la Défense, etc.). Mais elles ont besoin de faire du marketing RH pour se faire connaître.

Franck La Pinta, Responsable Formations Corporate et Transversales

Comment travailler sa marque employeur ?

Appliquer les fondamentaux du marketing…

Les ressources humaines peuvent constituer l’un des champs d’application de techniques de marketing, dites marketing RH.

Dans un marché de l’offre et de la demande de travail dans lequel une entreprise doit attirer et fidéliser des collaborateurs, les fondamentaux du marketing sont en effet parfaitement transposables à la sphère RH :

  • Compréhension globale du marché ;
  • Segmentation du marché en cibles (expertises, expérience, personnalité…) ;
  • Construction et déclinaison d’une offre de services correspondant aux besoins identifiés avec mise en oeuvre de techniques d’attraction de cibles, de conversion de cibles en candidats, de transformation du recrutement et de fidélisation des collaborateurs ;
  • Evaluation et amélioration continue de l’offre et de la valeur perçue.

Pour illustrer notre propos au service d’une analyse du marché du travail sous l’angle du marketing RH, nous avons décliné très librement sur le champ de la marque employeur le modèle de mix marketing dit des 7 P, adopté en 2009 par le Chartered Institute of Marketing.

L'évidence du marketing RH
L’évidence du marketing RH– © Stéphane Rodriguez
  • Physical evidence : les témoignages des collaborateurs et des candidats sur les sites de notation et les sites carrières constituent des preuves de la réalité et de la valeur du produit.
  • Produit : l’entreprise propose des offres d’emploi à des candidats et des emplois à des collaborateurs.
  • Prix : dans cette analogie, la transaction s’opère à partir de la signature du contrat de travail avec un prix correspondant à l’apport de qualifications, d’expérience, de compétences et un engagement quotidien du collaborateur dans une relation de loyauté avec l’entreprise.
  • Process : il s’agit à la fois des process de recrutement et de GRH, caractérisés par une interaction avec des candidats et des collaborateurs.
  • Promotion : l’entreprise va mettre en place un dispositif web et social pour communiquer sur son activité employeur et promouvoir des opportunités d’emploi en utilisant des techniques de marketing RH.
  • Place (lieu) : le point de vente est ici référé au lieu d’exercice de l’activité. On pourrait y placer également le site web de l’entreprise qui parle du produit.
  • People : la force de vente est ici représentée par les dirigeants, les collaborateurs ambassadeurs et les membres de la DRH.

… tout en restant authentique

La nécessité de disposer d’une marque employeur forte ne doit pas conduire à travestir la réalité d’une entreprise par une utilisation désincarnée de techniques de marketing RH. Il va falloir travailler sur un discours de preuves dont les premiers vecteurs seront les collaborateurs de l’entreprise, ce qui nous renvoie aux enjeux de fidélisation. C’est cette authenticité dans l’information véhiculée qui permettra d’introduire de la confiance envers une marque employeur.

La condition de cette confiance reposera avant tout sur la confiance donnée aux collaborateurs pour raconter leur parcours et témoigner de leur quotidien dans l’entreprise.

Cet alignement de la marque employeur entre l’interne et l’externe est donc fondamental dans cette recherche d’authenticité.

Nous souscrirons sur ce point aux conclusions de l’étude de NEOMA qui met en garde les entreprises dans l’utilisation des techniques de marketing RH sur le champ du recrutement. Le candidat est un consommateur bien informé qui va rechercher un emploi dont les caractéristiques s’apparentent à un produit de luxe. La valeur perçue devra donc correspondre de la manière la plus étroite qui soit à la valeur d’usage.

Par où commencer ?

#1 Etudier le marché

Pour pouvoir positionner une offre employeur, il convient tout d’abord de disposer d’une compréhension globale du marché. C’est le travail qui revient à la DRH.

Cela passe d’abord par une analyse de la réputation employeur en travaillant sur l’image perçue, à l’interne comme à l’externe. La démarche pourra s’engager par une simple « googlisation » de l’entreprise pour recenser ce qui se dit d’elle sur la toile et dresser un tableau de sa e-reputation employeur. Un diagnostic des présences en ligne est également à mener pour déterminer l’image qui est renvoyée et envisager les améliorations possibles en se plaçant du point de vue d’un candidat qui ne connaît pas l’entreprise.

Cela passe ensuite par une analyse des emplois proposés par l’entreprise et de leur répartition sur le marché du travail.

Cela suppose enfin de travailler sur les entreprises en concurrence sur ces emplois. Qui sont-elles ? Quelle est leur attractivité en matière d’emploi ? Comment se positionnent-elles en ligne ?

#2 Travailler sur les cibles

En marketing RH, « on a des cibles qui ne sont pas des clients mais des candidats ou des collaborateurs », comme nous l’a rappelé Franck La Pinta.

A partir d’une identification de ces cibles (niveau de qualification, expérience, savoir-faire, savoir-être), il faut chercher à comprendre le plus finement possible leur fonctionnement, leurs attentes, les habitudes de consommation du marché du travail. Ce travail de segmentation – qui pourra utilement se traduire par l’élaboration de personas – permettra ensuite de déterminer les messages à adresser et les leviers d’attraction à mobiliser.

#3 Construire la Proposition de Valeur Employé

La Proposition de Valeur Employé (PVE) recouvre toutes les composantes qu’une organisation met en place en tant qu’employeur pour générer de la valeur dans la relation avec ses collaborateurs actuels et futurs.

La PVE se décline en 5 dimensions :

  • Culture d’entreprise (valeurs de l’entreprise, principes d’action, modèle managérial) ;
  • Environnement de travail (conditions de travail, qualité de vie au travail) ;
  • Carrière (mobilité interne, possibilité d’évolution, politique formation) ;
  • Rémunération (salaire de base, primes) ;
  • Avantages sociaux (comité d’entreprise, mutuelle, épargne salariale, retraite…).

C’est à partir d’une formalisation de l’ensemble de ces éléments en impliquant l’ensemble des collaborateurs que l’on va pouvoir construire les messages positifs pouvant être communiqués à l’extérieur de l’entreprise.

Comme pour une marque commerciale, ces messages pourront se résumer par une « signature employeur » qui devra rester en cohérence avec la signature de marque.

Exemple de signature de marque employeur (Disney, 2014)
Exemple de signature de marque employeur (Disney, 2014)

Mais attention, au-delà du discours, la PVE est constitutive d’une promesse employeur. C’est sur la base d’une PVE authentique et crédible que l’entreprise doit pouvoir contractualiser avec de nouveaux collaborateurs.

#4 Construire les éléments d’attraction de candidats, d’acquisition et de fidélisation des collaborateurs

Une fois les cibles et les messages établis, il sera possible de déterminer quels leviers digitaux activer, en priorisant les canaux sur lesquels les cibles se trouvent. Un plan d’action sera à établir, avec une évaluation des coûts humains et financiers.

Le digital constitue un levier puissant et incontournable au service de la marque employeur permettant d’agir efficacement sur le plan de l’attraction de candidats et de l’acquisition mais aussi de la rétention de ses collaborateurs. Voir sur le champ de l’acquisition les clés d’un site ou espace carrières attractif.

#5 Faire de la promotion de la marque employeur une responsabilité d’entreprise partagée

La marque employeur porte un volet de communication RH qui se décline en ligne mais également hors ligne, comme par exemple lors des salons de recrutement. Elle s’inscrit donc nécessairement en cohérence avec la communication de la marque commerciale.

D’un point de vue organisationnel, la question de son pilotage est posée. La marque employeur doit-elle être naturellement pilotée par la DRH ? N’est-ce pas plutôt à la communication de piloter l’un des volets de la communication globale de la marque ? Ou doit-on considérer que l’offre RH étant un produit comme un autre, c’est au marketing qu’il revient de la piloter ?

Dans près d’une entreprise sur deux, c’est la DRH qui pilote ; la direction de la communication centralisant la communication RH dans 10 % des cas selon une enquête de RegionsJob. Selon cette même enquête, un tiers des entreprises font le choix d’une communication bicéphale.

Quelle que soit l’organisation retenue, c’est un travail collaboratif qui devra être mené entre les équipes en charge du recrutement avec les services de communication et/ou marketing.

La marque employeur : comment la construire ?
La marque employeur : comment la construire ?– © Stéphane Rodriguez

Sources complémentaires :
> Franck La Pinta & Vincent Berthelot, Marketing RH, accompagner la transformation digitale des ressources humaines (Focus RH) 
> NEOMA Business School, HR Insights #5 : Shoppeurs ou chineurs ? Ce que la « marque employeur » nous apprend des réelles attentes des candidats, 2016 (pdf)

> RegionsJob, Méthodes de recrutement, la grande enquête, Février 2015 


Stéphane Rodriguez

Passionné par les multiples sujets liés à la transformation digitale sur des champs #TransfoNum #RH #Travail #Emploi #Recrutement #MarqueEmployeur, #Formation #Orientation // + 15 ans d’expérience en management de projets stratégiques et d’équipes pluridisciplinaires ; évoluant dans un champ d'expertise #formpro // Actuellement Directeur adjoint de @defimetiers // #Fiable #Curieux #Humain

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